Lorsque vous êtes fermé comme un résident fiscal français, vous êtes alors tenu de rendre compte de l'intégralité de vos revenus à l'administration fiscale française, peu important le lieu où vous avez gagné ce revenu. Ainsi, si vous bénéficiez de revenus provenant de l'étranger, vous avez donc l'obligation de déclarer à l'administration fiscale française ces revenus.
Dans une telle hypothèse, vous pourriez éventuellement être confronté à une double imposition. Le mécanisme de double imposition implique que le résident fiscal français soit imposé deux fois au niveau fiscal. Les revenus pourraient donc être taxés dans deux pays en même temps. Cette situation se présente lorsque l'individu ou bien une société se trouve dans deux pays distincts qui n'ont pas pas procédé à la conclusion entre eux d'une convention fiscale.
En l'occurrence, une convention entre le gouvernement de la République française et le gouvernement des Émirats arabes unis (« EAU »), en vue d'éviter les doubles impositions a été signée le 19 juillet 1989 et modifiée par un avenant en date du 6 décembre 1993 (la « Convention Fiscale France-Émirats »).
Dès lors, grâce à cela Convention Fiscale France-Émirats, le résident français, contribuable, est protégé contre la double imposition due à l'application simultanée des lois fiscales de la France et des EAU. Nous vous invitons sur ce point à consulter notre article qui revient en détail point par point sur le traitement des différentes sources de revenus au sein de la Convention Fiscale France-Émirats.
Dans une décision tant attendue rendue en date du 20 mars 2023 (n°452718), le Conseil d'État s'est prononcé pour la première fois sur la valeur juridique de la Convention Fiscale France-Émirats, raisonnement qui peut être étendu à toutes les conventions fiscales entre la France et les autres pays. D'autre part, le Conseil d'Etat est venu rappeler et limiter la portée juridique de l'article 19.2 de la Convention Fiscale France-Émirats qui faisait couler beaucoup d'encre chez les praticiens du droit, mais également en doctrine.
Dans cette décision, le Conseil d'État a considéré que le résident fiscal français qui perçoit des revenus provenant des EAU, peut bénéficier du droit à un crédit d'impôt français qui est égal au montant de l'impôt français correspondant. Le Conseil d'État a considéré que l'octroi de ce crédit d'impôt n'est pas soumis à la condition que les revenus concernés ont été imposés aux EAU.
En l'espèce, un employé d'une société suisse a été détaché aux EAU. Ce dernier, perturbations qu'il était malgré tout résident fiscal français, a indiqué dans sa déclaration française de revenus, percevoir des salaires exonérés de l'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015. A l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale française a remis en cause cette exonération, empiétant que le contribuable aurait dû payer des impôts en France sur les revenus perçus aux EAU. Le contribuable n'a pas obtenu gain de cause devant le tribunal administratif de Strasbourg ni devant la cour administrative d'appel (CAA) de Nancy. En conséquence, il s'est pourvu en cassation devant le Conseil d'État.
Le Conseil d'État a dû rechercher si ce citoyen français, exerçant son activité au sein des EAU, devait être considéré comme résident des EAU aux termes de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats, et donc s'il relève des dispositions du paragraphe 1 ou 2 de l'article 19 de ladite Convention. En d'autres termes, le Conseil d'État a dû se demander dans un premier temps, quelle était la résidence fiscale du contribuable et dans un second temps quel était le régime fiscal alors associé aux revenus étrangers (Dubaï) en vertu de son contrat de travail en tant que salarié détaché d'une société Suisse.
Le Conseil d'État reproche à la CAA de Nancy de s'être basée uniquement sur les dispositions de l'article 19.2 de la Convention Fiscale France-Émirats (et donc la prise en compte du droit interne pour déterminer la résidence fiscale du contribuable) sans rechercher si ce dernier pouvait être qualité de résident des EAU au regard des dispositions des dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats.
Le Conseil d'État a conclu à une erreur de droit et a considéré qu'il convenait de régler l'affaire au fond.
Ce dernier met en avant que lorsqu'un différend, lié à une convention bilatérale, est porté devant le juge, il lui revient d'examiner d'abord la conformité de l'imposition contestée avec la législation fiscale française. Si cette condition est remplie, alors seulement le juge procède à l'analyse afin de savoir si cette convention s'oppose ou non à l'application de la législation fiscale française.
Dans cette décision, le Conseil d'État a dans un premier temps, déterminé que le contribuable était fiscalement domicilié en France aux termes de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats et non en vertu du droit interne (I). Dans un second temps, le Conseil d'État a interprété les dispositions de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats (II).
I – L'application des dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats
A- Sur la suprématie de la Convention Fiscale France-Émirats face au droit interne
Le Conseil d'État consacre pour la première fois dans cette décision la suprématie d'une convention fiscale bilatérale sur les normes internes. Le Conseil d'État rappelle le principe de la hiérarchie des normes aux termes de l'article 55 de la Constitution de 1958. Ledit article place, le droit issue des conventions internationales, dûment ratifiées, au-dessus des normes nationales.
En conséquence, par cet arrêt novateur, le Conseil d'État fait prévaloir les dispositions de la Convention Fiscale France-Émirats sur les normes fiscales françaises. En effet, le Conseil d'État a déterminé la résidence fiscale du contribuable non pas en référence aux dispositions du code général des impôts (CGI) mais à la lumière des dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats.
Ainsi, le Conseil d'État a mis en exergue l'importance de la prise en considération de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats, même si le contribuable était incontestablement résident fiscal en France puisqu'il s'était lui-même soumis à une déclaration fiscale française en tant que résident fiscal français.
Toutefois, le Conseil d'État a malgré tout sanctionné les juges du fond qui s'étaient appuyés sur l'article 19.2 de la Convention Fiscale France-Émirats, pour considérer que le contribuable était domicilié en France, en ignorant l'article 4 de ladite convention.
Ce raisonnement permet de mettre en avant la prééminence des dispositions de la Convention Fiscale France-Émirats, puisque le Conseil d'État a considéré qu'il était indispensable de rechercher si le contribuable pouvait être qualifié de résident des Emirats au sens de la Convention Fiscale France-Émirats.
En revanche, avant de résoudre le cas litigieux au fond en prenant en considération les dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats, le Conseil d'État rappelle les dispositions des articles 4A et 4B du CGI qui déterminent les conditions pour qu'une personne puisse être considérée comme résident fiscal en France.
Eu égard à ces dispositions, le Conseil d'État a considéré que le contribuable avait établi son foyer principal en France et qu'il devait être soumis à l'impôt en France pour l'ensemble de ses revenus. D'après les éléments recueillis, il est établi que pendant la période en question, de 2013 à 2015, la femme et les enfants du contribuable, résidaient en France et occupaient la maison dont il était propriétaire. Par conséquent, même si ce dernier séjournait principalement aux EAU Durant cette période et que ces revenus étaient de source émiratie, il était imposable en France.
B- Sur l'application des dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats
L'importance de cette décision réside dans l'application de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats pour déterminer la résidence fiscale du contribuable.
Au-delà du rappel des dispositions du CGI, le Conseil d'État a également analysé si le contribuable pouvait être considéré comme résident des EAU au sens de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats. En effet, il convenait de se prononcer sur la situation du contribuable au regard de cette convention.
En application des dispositions de l'article 4 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats, le contribuable pouvait être considéré comme résident dans les deux pays. Dès lors, il convient d'appliquer la méthodologie de l'article 4 § 2 de ladite Convention, pour déterminer la résidence fiscale en présence d'une telle situation, soit d'une double résidence fiscale.
L'article de Ledit précise que la personne concernée par une double résidence fiscale, doit être considérée comme un résident de l'État où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent. Dans ce cas précis, la femme et les enfants du conserver en France, c'est donc en France que se découvrir ses intérêts vitaux. En effet, le Conseil d'État a considéré que les liens personnels et économiques les plus étroits du contribuable se trouveraient en France où son épouse et ses enfants résidaient.
En tout état de cause, le contribuable a été considéré comme résident fiscal français à la lumière de la Convention Fiscale France-Émirats, et non au regard des dispositions du droit français. L'application de ladite convention met en évidence la primauté de la Convention Fiscale France-Émirats.
II – L'interprétation des dispositions de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats par le Conseil d'État
A- Sur l'éclairage juridique de l'interprétation de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats
Par cette décision, le Conseil d'État a pour la première fois fait valoir au grand jour une interprétation de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats. En effet, cet article attribue par défaut la détermination de la résidence fiscale à une définition en droit interne. Ainsi, l'interprétation erronée des juges du fond ainsi que de l'administration fiscale française concernant cet article fut identique depuis des années.
Cette interprétation faisait défaut aux contribuables puisqu'à travers cette interprétation, ces derniers considéraient que les revenus d'un résident fiscal français provenant d'un salaire des Emirats devaient être imposables en France. Dès lors, l'interprétation de cet article était en contradiction avec l'esprit de la Convention Fiscale France-Émirats, dont l'objectif est d'éviter les doubles impositions.
En l'espèce, les juges du fond de la CAA de Nancy, ont considéré que les stipulations de l'article 19 § 2 de ladite Convention était applicable. Or, le Conseil d'État reproche aux juges du fond de ne s'être fondé uniquement sur les dispositions de cet article sans avoir recherché si le contribuable pouvait être qualifié de résident des Émirats au sens de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats.
En effet, la détermination du critère de résident conformément aux dispositions de l'article 4 permettait de déterminer si le contribuable relevait des dispositions de l'article 19 § 1 de la Convention Fiscale France-Émirats, en faveur des résidents français ou de l'article 19 § 2 de ladite Convention, en faveur des résidents des Émirats.
En l'occurrence, réglant l'affaire sur le fond, le Conseil d'État a considéré que le contribuable était résident fiscal français, conformément à l'argumentation développée auparavant, et pertinente des dispositions de l'article 19 § 1 de la Convention Fiscale France-Émirats. Cet article accorde au résident fiscal de France un crédit d'impôt, concernant les salaires perçus au titre de son activité exercée au sein des Émirats.
En tout état de cause, un résident fiscal français peut percevoir des revenus émiratis, sans payer l'impôt sur ces revenus en France. Le Conseil d'État a donc fait une véritable interprétation des dispositions de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats. Ainsi, le fait d'être résident fiscal français n'implique pas automatiquement une taxation sur les revenus perçus aux Émirats.
Le Conseil d'État a mis un terme à une insécurité juridique et à un contentieux récurrent quant à l'application de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats, par l'administration fiscale et les juges du fond. Le fait que le contribuable avait porté l'affaire jusqu'au Conseil d'État a permis d'apporter une réponse claire à ce vide juridique et de faire valoir la suprématie de la Convention Fiscale France-Émirats sur les normes fiscales françaises. Cette décision redonne le sens premier de cet accord entre la France et les Émirats, les résidents fiscaux français ne seront plus taxés en France sur les revenus des Émirats, en raison de l'application de l'article 19 § 2 de la Convention Fiscale France-Émirats.
Ainsi, il appartiendra dorénavant de déterminer la résidence fiscale du contribuable eu égard aux dispositions de l'article 4 de la Convention Fiscale France-Émirats. Puis, à l'issue de cette analyse, il convient de déterminer si le contribuable relève du paragraphe 1 ou 2 de l'article 19 de ladite Convention.
B- Sur l'exonération de l'imposition des revenus salariés provenant des EAU par le mécanisme du crédit d'impôt
En application du paragraphe 1 de l'article 19 de la Convention Fiscale France-Émirats, le contribuable bénéficie du droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base sur laquelle ces revenus sont compris. Concrètement, le Conseil d'État a exonéré d'imposition les revenus salariés provenant des Emirats à travers le mécanisme d'un crédit d'impôt du montant de l'impôt théorique français sur les revenus émiratis.
En outre, le Conseil d'État affirme que l'attribution du crédit d'impôt ne dépend pas de l'imposition effective des revenus provenant des Émirats aux Émirats. De fait, les crédits d'impôt français applicables aux revenus émiratis sont applicables, même si ces salaires ne sont pas imposables aux Emirats.
Ainsi, en accord avec un crédit d'impôt à un résident fiscal français percevant des salaires aux Emirats, le Conseil d'État permet une situation de double non-imposition des salaires de source émiratie, dans l'hypothèse où ses revenus sont exclusivement en provenance des Emirats.
Concrètement, à titre d'illustration, un contribuable, résident fiscal français qui exerce une activité professionnelle à Dubaï ou à Abu Dhabi doit justifier de l'intégralité de ses revenus à l'administration fiscale française, que ses revenus proviennent de France et des EAU. A la suite de cette déclaration, l'administration appliquera un taux effectif d'imposition en prenant en considération l'intégralité de ses revenus, mais n'appliquera ce taux uniquement sur ses revenus provenant de France.
Si le contribuable, résident fiscal français, perçoit un salaire de 100.000 euros par an dans le cadre de son activité aux Emirats et 50.000 euros par an dans le cadre de son activité en France, ce dernier bénéficie donc d'une rémunération totale de 150.000 euros. L'administration fiscale, se fondera, pour déterminer le calcul du taux d'imposition, sur le montant total des revenus soit 150.000 euros (le revenu français additionné au revenu émirati). En revanche, le taux effectif d'imposition ne sera applicable que sur les revenus français, donc sur 50.000 euros.
Pour conclure, la décision du Conseil d'État, permet de attribuer la suprématie, conformément à la hiérarchie des normes, de la Convention Fiscale France-Émirats face au droit interne et à l'article 4 du CGI en rappelant le principe de l'article 55 de la Constitution. Ainsi, les 121 conventions fiscales actuellement en vigueur en France, ont donc une valeur supérieure aux normes fiscales françaises.
Cette décision a permis un réel éclairage juridique sur une notion qui était mal interprétée depuis des années et dont le Conseil d'État a apporté une réponse claire pour la première fois, ce dernier n'ayant jamais été saisi d'une telle question par rapport aux Emirats.
Cette Convention Fiscale France-Émirats reprend donc de son authenticité et permet d'instaurer un régime réel de non double imposition des revenus favorables aux contribuables expatriés, non-résidents français ou percevant des revenus des Émirats. Par ailleurs, cette décision peut être dupliquée à toutes les conventions fiscales bilatérales françaises existantes à ce jour.
Enfin, les juges du Conseil d'Etat ont également rappelé la vraie portée et signification de l'article 19 de la Convention Fiscale France-Émirats considérait comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête du contribuable et qui faisait débat et effrayait le monde juridique et des expatriés depuis des années en instaurant une véritable insécurité juridique.
Ainsi, le résident fiscal français sera exonéré d'imposition sur ses revenus salariés provenant des EAU grâce au mécanisme du crédit d'impôt.